The Vinland Sagas

The Vinland Sagas

Le nom des auteurs du livre d’aujourd’hui se perd dans la nuit froide d’un hiver Islandais, alors on met bien ses moufles et on embarque sur un fier navire à tête de drake pour découvrir de nouvelles terres à l’Ouest…

Le Livre

Les Sagas du Vinland sont deux textes écrits indépendamment l’un de l’autre au début du XIIIème siècle en Islande. Ils racontent la découverte et les essais d’installations des hommes du nord dans ce qu’ils appellent le Vinland et qui se trouve quelque part en Amérique du Nord, aux abords du Saint Laurent.

L’édition que j’ai (en anglais) y ajoute une assez longue (et instructive) introduction présentant les textes, leur contexte et les découvertes archéologiques confirmant les histoires qui y sont racontés. Le tout se lit plutôt bien, le style d’écriture des sagas est plutôt agréable à lire pour un truc aussi ancien (j’imagine que la traduction aide bien évidemment).

Le seul aspect un peu difficile étant les noms des personnages vus que à peu près 9 sur 10 commence par Thor : On a donc, Thord, Thorbjorn, Thorvald, Thorunn, Thorgerd, Thorir, Thorfinn, Thorgeir, Thorlak, Thorhild… allez bon courage, vas t’y retrouver (heureusement il y a un arbre généalogique qui aide bien, d’autant plus que les islandais ont la bonne idée d’avoir des noms patronymiques et pas des noms de famille).

La découverte du Vinland

Donc voilà l’histoire se passe autour de l’an mille, les hommes du nord ont déjà découvert et colonisé l’Islande et commence à bien s’y installer…

Les problèmes de voisinage du gars Eirik

Eirik (ouai j’ai menti ils s’appellent pas tous Thortruc), décide donc de s’installer en Islande, il se trouve un coin peinard et construit une ferme bien décidé à s’installer tranquille. Pas de bol, à peine arriver ses esclaves font du grabuge chez le voisin, qui les bute.

Du coup Eirik, il est colère et il bute 4 potes du voisin. Alors ca va mieux, il est calmé mais il est un peu obligé de changer d’endroit pour sa ferme.

Du coup il se retrouve un autre coin peinard, il se refait une ferme, au début il sympathise même avec le voisin : sympa il prête même des planches à son voisin. Pas de bol, le voisin est encore un connard et il refuse de les lui rendre.

Eirik il est re-colère, il va chercher ses planches parce que bon, ca suffit il en a besoin et puis merde c’est ses planches quoi. Le voisin débarque, ils se frittent et Eirik bute ses deux fils et encore un paquet d’autres mecs.

Bon du coup ca craint du boudin pour le gars Eirik. Il a bien gagné un petit nom cool (Eirik le Rouge) a force de laisser des cadavres derrière lui. Mais en attendant il passe au tribunal et il est bannit, obligé de se casser de l’ile.

Et c’est là qu’il a une idée géniale : puisque c’est toujours la merde avec les voisins, il va se trouver en endroit rien qu’à lui ou y’a pas de voisin. Alors il monte dans son bateau avec quelques potes et ils partent au Nord Ouest.

Ils finissent par trouver une terre, et y repérer des coins potables pour s’installer. Content de lui il retourne en Islande pour faire venir d’autres potes à lui pour coloniser l’endroit. Et comme c’est un malin il décide de les appâter avec un nom qui claque et qui fait envie :

– Tiens vla Eirik le rouge, alors t’es revenu ? tu vas buter qui cette fois ?
– Haha sacré Thormuf, personne nan. J’ai découvert une nouvelle terre, un endroit super, au Nord Ouest d’ici, je cherche des gars solides pour y bâtir une colonie ca t’intéresse ?
– Au Nord Ouest ? putain tu trouves pas qu’on se les cailles suffisamment en Islande qu’est ce que tu va foutre au Nord Ouest ? Doit y’avoir que des putains de glaçons ?
– Nan c’est une terre d’opportunité je te dis, c’est jouli tout plein, y’a euh, y’a de l’herbe qui pousse et tout.
– Ah ouai ?
– Bah ouai, même que ca s’appelle… euh… le… euh… le « Pays Vert » tiens tu vois que je te dis pas de connerie
– Ah ouai « le Pays Vert » ?
– Ouai ouai comme je te dit : le Groenland.

Ouai le mec a inventé le marketing.

Le Pays du Vin

C’est donc ainsi (ou peu s’en faut) que Eirik le Rouge fonda la colonie du Groenland. Il s’y installe avec ses potes et ses moutons, y fonde sa petite famille et tout le monde est content.

Mais voilà les enfants, ca grandit, et les fils d’Eirik sont aussi intrépides (ou con) que leur vieux père. Du coup quand un marin à moitié fou prétend avoir vu dans une tempête des terres verdoyantes encore plus à l’Ouest, le fils d’Eirik se met en tête de trouver cet endroit.

Et effectivement ils trouvent une terre au Sud Ouest du Groenland, et comme ils y ont vaguement trouvé des raisins (et qu’ils ont la même fibre marketing que leur con de père) il décide d’appeler ça le « Vinland » : le pays du Vin.

Forcément avec un nom comme ça, ça attire les pélots. Les expéditions s’enchainent et une partie de la côte est découverte. Un petit campement s’installe même de façon un peu durable. Ils ramènent des meufs, font des gosses. L’endroit à l’air cool.

Sauf que voilà un jour, y’a des mecs tout chelou qui parlent bizarre qui débarque dans des canoes: des voisins. Alors au début ça va, on échange deux trois conneries contre des fourrures, bon ça va. Et puis forcément à un moment ça part en couille, un des voisins commence à engrainer Thorplouf et comme Thorplouf faut pas le chercher, il se mange un coup de hache sur le nez.

Jusque-là bon, c’est pas grave les autres voisins se cassent en courant et puis ca tombe bien ils ont pas d’armes en fer les cons… C’est ça tirez-vous bande de nuls haha. C’est le lendemain quand les voisins sont revenus à 1000 que les mecs ont pigé qu’ils avaient fait une boulette.

Bon les gars, on oubli le Vinland, trop dangereux, on se tire !

Et c’est ainsi que si une querelle de voisinage avait permis la découverte du Groenland, une querelle de voisinage mettra aussi fin à l’extension des fiers et indomptables Hommes du Nord.

Epilogue

Finalement c’est l’echec de la colonisation du Groenland qui fermera définitivement cette possibilité d’atteindre le Vinland. L’effondrement de la colonie du Groenland (qui montait quand même autour de 3000 à 5000 personnes à la grande époque) est un autre sujet passionnant… (non couvert par ce livre).

Je te balance quand même cette vidéo qui résume assez bien les choses.

Haha, alors ils sont mort parce que face à un changement climatique inéluctable leurs élites politiques et religieuses ont refusé de modifier leur mode de vie… qu’ils sont cons, c’est pas à nous que ça arriverait ça haha.

Histoire et Légendes

Un récit véridique ?

Alors là si tu as bien tout suivi, normalement tu me dis :

– Attends tu dis que l’histoire se passe autour de l’an mille ?
– Oui
– Et que ça a été écrit au 13ème siècle ?
– Oui
– Genre près de 300 ans après ? c’est fiable ce truc ?

Et évidemment c’est une question légitime. Quelle est la part de réalité ? quelle est la part de légende dans ces récits ?

D’après le livre, la question est assez tranchée par l’archéologie : on a trouvé des restes archéologiques qui attestent de la présence des hommes du nord en Amérique du nord, autour de l’an mille. Il reste des incertitudes (et des débats) sur la localisation exacte des différentes terres décrites dans les sagas.

Les histoires du Vinland ont donc dû circuler par la tradition orale pendant près de 3 siècles avant d’être couché sur le papier.

La part d’histoire

C’est pas pour autant que tout est vrai, mais le livre explique que la part d’invention ne se situe pas forcément où on l’attend.

Pour les peuples de tradition orale, les histoires qu’ils se racontent ne sont pas juste là pour se distraire elles servent aussi de mécanisme essentiel de conservation et de transmission du savoir. Donc si certaines choses peuvent y être inventé, d’autres ont besoin d’être conservées de façon exacte.

Pour un peuple de marin comme les islandais, il ne pouvait pas s’amuser à trop raconter de la merde sur les directions à prendre, le temps de voyage, où ce qu’on trouvait à terre (bois, eau, dangers…). Et ça explique que même si personne n’y était retourné depuis plus de 200 ans, au moments ou ces légendes sont couchées par écrit, les indications restent assez précises et pas déconnantes.

Le message principal des sagas du Vinland est donc : il y a des terres encore à l’ouest du Groenland, l’endroit est pas franchement commode d’accès (naufrages possibles) et même si il y a de quoi se mettre bien, ces terres sont déjà peuplée par des natifs un peu trop nombreux pour qu’on puisse débarquer serein.

On imagine bien que du coup vu que la colonie du Groenland galérait déjà, les mecs aient lâché l’affaire.

La part de légendes

Par contre là où les mecs pouvaient se faire plaisir côté imagination c’était sur les détails des personnages : qui a fait quoi à qui et avec qui…

Et en fait ils s’en servent là aussi pour faire passer un message. Les textes qui nous sont parvenus sont tous écrits par des chrétiens. Et du coup bizarrement dans le texte tous les gentils sont de bons chrétiens et dès qu’on croise un païen, ça manque pas : soit il va lui arriver une merde sur le coin de la gueule, soit c’est un sombre connard (ou les deux).

D’ailleurs histoire d’insister l’histoire des gentils ne se termine pas (spoiler) juste par un « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… » mais par « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, et on compte plusieurs évêques dans leur descendance ».

Le message est assez clair ^^

Ce n’est pas dit dans le livre, mais j’imagine qu’il est pas impossible que les mecs qui ont écrit ça le faisait aussi en partie pour se couvrir. Etre le premier à coucher par écrit les légendes locale des païens plutôt que se contenter de sagement faire des copies de la bible, ça devait pas forcément être une position facile pour un moine et j’imagine qu’ils hésitaient pas à en rajouter un peu.

Le point de départ d’une belle Uchronie

J’ai bien aimé la lecture de ce bouquin, ça se lit bien et assez vite, la langue est facile d’accès et surtout ça ouvre de belles portes à l’imagination.

Quelle serait la tête du monde aujourd’hui si les hommes du nord avaient poussé un peu plus loin, s’étaient établi en amérique du nord et avaient commercé avec les premières nations amérindiennes ?

Est-ce qu’on aurait éviter le massacre généralisé ? Ces « vikings sanguinaires » du 10ème siècle m’ont l’air quand même probablement un peu plus civilisés et bien moins totalitaires que les Européens quelques siècles plus tard (meilleur place pour les femmes, fonctionnement plus démocratique, faible intolérance religieuse, pas d’impérialisme étatique…)

Où est ce que le choc microbien aurait eu lieu de toute façon, décimant la population autochtone ?

Bref de quoi rêver un moment.

2 réactions au sujet de « The Vinland Sagas »

  1. Yeaaaah trop bon ! Au cas où tu l’aurais pas déjà lu, il faut que tu lises Effondrement de Jared Diamond. Y’a un chapitre ou deux qui parlent exactement de ce qu’ils ont foutu au Groenland et au Vinland, et pourquoi dans les deux cas ça a foiré. En résumé c’est à cause des relations avec habitants qui étaient là avant eux et du fait qu’ils se sont pas habitués à un nouveau mode de vie, en privilégiant le mode de vie continental européen et chrétien. C’est con ça aurait pu marcher, mais Eirik et sa soeur aussi je crois en tiennent une bonne couche.

    1. Merci ! 😀
      Oui j’ai lu Effondrement de Jared Diamond, et effectivement c’est une bonne référence sur l’effondrement du Groenland.
      La vidéo que j’ai mis dans l’article reprend grosso modo les même idées, mais oui clairement ce bouquin est top (même si je trouve intéressant de compléter sa vue des effondrements par celle de Joseph Tainter dans l’effondrement des sociétés complexes).

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