50000 ans d’Histoire
– C’est bien ça le problème avec vous Amonbofis, vous faites toujours comme on fait tout le temps
– ben oui puisqu’on a tout le temps fait comme ça
Parfois pour prendre la mesure des choses et voir où on est il faut regarder en arrière. On entend souvent les Amonbofis nous dire que c’est comme ça parce que c’est comme ça, que ça l’a toujours été, le sera toujours, bref qu’il n’y a pas d’alternative. Aujourd’hui petite plongée dans au moins 50000 ans d’Histoire Humaine à travers une petite série de vidéos.
: 50000 ans: l’Humain moderne
l’Humain moderne, capable de communiquer de façon complexe et de s’organiser en grands groupes, a émergé il y a environ 50000 ans. Pour illustrer ça une petite vidéo de Kurzgesagt, (une excellente chaine, abonne toi).
Si tu galères trop avec l’anglais, cherche bien y’a des sous-titre en français (et dans une vingtaine d’autres langues).
Voila, ça devrait changer quelques présupposés sur la préhistoire…
: 12000 ans: l’Agriculture
L’Agriculture apparaît il y a environ 12000 ans, premier constat les humains modernes ont vécus sans pendant plus de 75% de l’histoire humaine. Ça vaut quand même le coup de s’y arrêter une seconde pour en prendre la mesure. Ils étaient pas en galère, ils leur manquaient rien, c’était juste normal.
Une perte pour l’individu, un avantage pour le groupe
Si l’agriculture s’est imposée comme mode de vie c’est parce qu’au niveau du groupe elle est plus efficace, et que nous sommes des animaux sociaux. Mais au niveau individuel, c’est clairement une perte.
L’apparition de l’agriculture a fait diminuer la taille moyenne des humains et la masse moyenne de leurs cerveaux. Et ce décalage avec nos ancêtres d’il y a 50000 ans n’a réellement commencé à se réduire que très récemment, depuis la fin du 19eme en gros (grâce aux progrès de la médecine et de l’agriculture).
si tu veux en savoir plus sur pourquoi l’agriculture (et surtout l’élevage), même si ils fragilisent les individus donnent de gros avantages au groupe, je te conseille le classique: De l’inégalité parmi les sociétés, de Jared Diamond.
Des sociétés plus grandes et plus organisées
L’agriculture fait apparaître des besoins de groupes sociaux plus grands et plus organisés, c’est aussi l’apparition des chefs et surtout des inégalités sociales, du petit tyran aux états modernes. Enfin c’est du moins la vision « traditionnelle » de l’évolution des sociétés: tribus, chefferies, royaumes, états.
Ces peuples jouissent d’une grande liberté : car, comme ils ne cultivent point les terres, ils n’y sont point attachés ; ils sont errans, vagabonds ; et si un chef vouloit leur ôter leur liberté, ils l’iroient d’abord chercher chez un autre, ou se retireroient dans les bois pour y vivre avec leur famille. Chez ces peuples, la liberté de l’homme est si grande, qu’elle entraîne nécessairement la liberté du citoyen.
Ce qui assure le plus la liberté des peuples qui ne cultivent point les terres, c’est que la monnoie leur est inconnue. Les fruits de la chasse, de la pêche, ou des troupeaux, ne peuvent s’assembler en assez grande quantité, ni se garder assez, pour qu’un homme le trouve en état de corrompre tous les autres : au lieu que, lorsque l’on a des signes de richesses, on peut faire un amas de ces signes, et les distribuer à qui l’on veut.
Chez les peuples qui n’ont point de monnoie, chacun a peu de besoins, et les satisfait aisément et également. L’égalité est donc forcée ; aussi leurs chefs ne sont-ils point despotiques.
Mais comme toujours la réalité est plus complexe que ce cadre simpliste: les formes sociales hiérarchisées et inégalitaires n’étaient pas inconnues des premiers hommes, ils arrivaient simplement à s’en préserver la majorité du temps.
Là désolé, j’ai pas de sous-titres, mais c’est dommage parce que c’est super intéressant
En gros pour résumer ce qui est dit dans cette conférence:
- On a des signes archéologiques qui montrent que des sociétés de chasseurs/cueilleurs étaient capables d’organisations centralisées et inégalitaires: des cadavres enterrés avec des colliers qui ont nécessité des milliers d’heures de travail, des édifices monumentaux, des chasses collectives de troupeaux immenses …
- On a des exemples anthropologiques de sociétés (modernes) de chasseurs/cueilleurs qui ont des structures sociales complexes et flexibles, évoluant au fils des saisons entre petits groupes et grands groupes et entre sociétés égalitaires ou hiérarchisées (et pas forcément avec une corrélation grands groupes = hiérarchies, des fois c’est l’inverse). Ces évolutions sont souvent liées à des besoins effectifs (se regrouper pour chasser en grands groupes à la bonne saison…) et à des aspects rituels (festival, échanges culturels…)
- On peut donc penser que les sociétés « primitives » avaient cette flexibilité, une connaissance des avantages et des risques de l’organisation hiérarchique et qu’elles ont refusées autant que possible l’apparition des états fixes.
: 400 ans: l’économie capitaliste et l’état
La forme d’organisation qu’on connaît aujourd’hui, centrée autour de l’état et d’une économie capitaliste a, disons entre 200 et 400 ans suivant si on prend pour références les premières théorisations (Adam Smith, Thomas Hobbes) ou sa mise en oeuvre progressive.
La aussi prenons le temps de mesurer les choses. A l’échelle de l’humanité, 400 ans ça représente 0,8% de notre histoire. Et on parle bien d’humains modernes, qui comme le dit Graeber se comportent de façon aussi étrange et illogique que nous.
Si tu vois pas trop de quoi je parle, je te conseille cette mini-série d’Arte (issue de leur série documentaire sur le capitalisme), c’est des dessins, ça dure 1-2 minutes par épisode et ça raconte l’histoire du capitalisme à travers les principaux économistes.
Voila, personnellement j’aime bien l’épisode de conclusion sur la transformation de tout en marchandise, la recherche du profit sans rapport avec nos besoins réels, l’utilisation de l’économie comme seule mesure de toute activité humaine et finalement l’aspect autodestructeur de ce système. Il faudrait pousser plus loin sur le rôle de l’état moderne la dedans comme structure bureaucratique dont le but principal est la réalisation de l’économie capitaliste, mais on va laisser ça pour plus tard.
: 30 ans: le néo-libéralisme
La forme de capitalisme dans laquelle on est aujourd’hui. Celle qui n’appelle pas de débat parce qu’il n’y a pas d’alternative. Cette forme la, elle a en gros 30 ans.
0,06% de l’histoire de l’humanité.
- 75% de l’histoire de l’humanité a vivre en chasseurs cueilleurs sans structure hiérarchique inégalitaire fixe.
- 99,2% de l’histoire de l’humanité a vivre hors d’un système état / économie capitaliste
- 99,94% de l’histoire de l’humanité a ne pas vivre dans le système économique actuel
il n’y a pas d’alternative.
: Et alors ?
Bon c’est bien joli tout ça, mais tu vas me dire que ca te fait une belle jambe mais que dans la mesure ou t’as pas envie de retourner à l’age de pierre tu t’en fou.
Oui mais non, il ne s’agit pas de regarder le passé pour vouloir y revenir. Mais simplement pour avoir des points de références différents, comprendre que des alternatives ont existé, que d’autres sont possibles (que certaines existent déjà), et se donner des outils de réflexion. Se priver d’une vision sur le passé, en fait c’est un peu se réduire à l’état de poisson rouge dans un bocal.
Il n’y a aucune raison que nous soyons à la fin de l’histoire, il n’y a aucune raison pour que nos systèmes politiques et économiques soient optimaux, il n’y aucune raison de ne pas chercher à faire mieux.
Une réaction au sujet de « 50000 ans d’Histoire »
« il n y a aucune raison de ne pas chercher à faire mieux » , oui, avec discernement.
Bel exposé!