Petit voyage dans le monde des quanta – Etienne Klein
Aujourd’hui on va parler de physique quantique. Comme souvent ici en rapport direct avec une de mes lectures récentes (il apparaît à peu près clair maintenant que ce blog va à quelques exceptions près se concentrer sur ce type d’articles qui sont en quelque sorte des fiches de lectures).
Voilà, c’est un petit livre, bien écrit qui se lit bien et clairement on se situe ici dans la vulgarisation scientifique, et je n’ai été maltraité par aucune équation intempestive lors de la lecture. Avant d’aller plus loin, je vais essayer de répondre à une question initiale :
Peut on comprendre la physique quantique ?
Une science inaccessible
La physique quantique est généralement considérée comme pas accessible au commun des mortels, tout comme la relativité d’ailleurs (l’autre révolution physique du début du XXème siècle). Perso j’en ai pas entendu parler lors de mon cursus scolaire de base (bac S). C’est aussi généralement des théories physiques qui sont pas vraiment traitées dans la culture pop (t’imagine la gueule de starwars si tu prends en compte la relativité).
Donc en gros y’a comme une sorte de consensus pour dire que c’est juste imbitable et que ça sert même à rien d’essayer d’en parler. Je pense d’ailleurs qu’une excellente introduction au sujet est la conférence qu’en a fait Alexandre Astier :
Donc voilà, à priori le truc est complètement hermétique, pas compréhensible, sans passer par l’étape des mathématiques, et vu le niveau du bouzin on laisse tomber.
Des tentatives de vulgarisation
Bon malgré tout, il semble que certains tentent de vouloir expliquer la physique quantique aux béotiens. Que ce soit dans le bouquin que j’ai lu, ou sur youtube on trouve du contenu de vulgarisation qui a l’air pas mal:
- Chez e-penser :
- Chez science étonnante :
- Ici:
- Ou cette série de conf d’Etienne Klein qui reprend a peut prêt l’intégralité du bouquin :
Bon alors qu’est ce qu’on en retient ?
Après avoir vu et lu tout ça, voilà en gros ce que j’en retiens.
Clairement la physique à ce niveau dépasse le cadre de nos habitudes de raisonnement, nos cerveaux ne sont pas fait pour raisonner facilement à l’échelle quantique (ni d’ailleurs à l’échelle relativiste). Résultat de milliers d’années d’évolution qui nous a façonnés pour appréhender aisément la physique newtonienne (celle qui nous est utile au quotidien pour pas se vautrer quand on marche ou pour taper dans une balle). Il faut donc aborder le sujet avec une précaution maximum et se garder de croire qu’on va pouvoir comprendre facilement.
Oui les math sont sans doute indispensables pour manipuler les concepts de façon efficace, c’est-à-dire les utiliser pour faire des trucs. Mais je pense qu’on peut comprendre quelques trucs malgré tout, à condition d’accepter un niveau d’abstraction un peu élevé, d’accepter de ne pas savoir et de pas faire de raccourci hâtifs.
Donc on s’accroche, on attache sa ceinture, on ouvre son esprit, et on plonge dans le monde un peu fou fou de la physique quantique. Comme le disait Richard Feynman:
There’s a kind of saying that you don’t understand its meaning, ‘I don’t believe it. It’s too crazy. I’m not going to accept it.’… You’ll have to accept it. It’s the way nature works. If you want to know how nature works, we looked at it, carefully. Looking at it, that’s the way it looks. You don’t like it? Go somewhere else, to another universe where the rules are simpler, philosophically more pleasing, more psychologically easy.
Mais pourquoi s’y intéresser
Pourquoi s’intéresser à cette physique qui ne nous concerne pas. Evidemment elle a plein d’applications, mais aucune de ses applications pratiques ne demande de comprendre comment elle fonctionne pour les utiliser. Et puis de toute façon, vu que j’ai pas touché aux math, je ne prétends pas pouvoir l’utiliser, je l’ai dit.
Alors pourquoi s’y intéresser quand même ?
Une expérience
Je pense que le premier point intéressant dans la vulgarisation scientifique ce ces grandes théories (on pourrait parler aussi bien de la relativité ou de l’évolution des espèces), c’est que les imaginer c’est déjà une expérience, un exercice de pensée, utile.
Emerveillement
d’abord parce qu’il y a une part d’émerveillement dans cette expérience. Je crois que celui qui en parle le mieux c’est Boulet dans sa réponse à Georges Brassens (non sérieux c’est à lire ça).
On peut en dire autant pour la physique quantique, réalisé ce qui compose la matière est une expérience assez dingue, même si elle est partielle.
Humilité
Ensuite parce que ces théories sont un remède assez sur contre la prétention et l’orgueil, maladies trop communes pour les grands singes que nous sommes.
Oui, nos cerveaux ne sont pas vraiment fait pour bien comprendre facilement ou réaliser parfaitement ce qu’implique la relativité ou la physique quantique, nous ne sommes pas des « créatures parfaites », nous sommes qu’un des résultats hasardeux de l’évolution de la vie sur cette planète, ni pire ni meilleur que les autres bestioles.
Et je pense que ça fait du bien de faire cet exercice d’humilité régulièrement.
Auto-défense
C’est moins fun, mais un autre truc commun de nos vie de grands singes et que régulièrement certains de nos congénères essayent de nous endormir avec de la pseudo science pour nous vendre tout un tas de merde ou prendre le contrôle de nos esprits.
Face à ça, un peu de septicisme et une mise à jour régulière de notre connaissance de l’état de l’art des connaissances scientifique fait office de kit de survie indispensable.
Je veux dire, quand on voit que des mecs arrivent à vendre des pierres « magiques », des bracelets « magnétiques » ou toutes ces conneries. On peut bien imaginer le niveau de bullshit para-scientifique que permet la physique quantique. Y’a d’ailleurs pas si longtemps j’ai du reposer un livre qu’on m’avait passé car il tombait clairement dans le bullshit quantique et tirait des conclusions hâtives.
Superposition d’états et élection présidentielle
Bon je vais maintenant te parler de quelques trucs que je trouve fascinant à l’échelle quantique. Je vais pas essayer de t’expliquer les trucs vu que c’est fait bien mieux que je pourrais jamais par les vulgarisateurs cités plus haut.
Un monde un peu chelou
Le premier truc fascinant, c’est évidemment la superposition d’état : le fait qu’une particule peut être dans plusieurs états superposés (genre ici et là bas), et que la mesure seule permette de réduire à une valeur bien définie.
Evidemment c’est fondamentalement chelou. Mais une fois qu’on a admis qu’on pourrait jamais vraiment le comprendre avec notre vision macroscopique de grands singes et trouver le truc « naturel », bah ok, pourquoi pas.
En même temps moi aussi je suis chelou
Perso quand je pense à la superposition d’état je trouve une analogie qui me parle assez bien sur la façon dont mon cerveau décide ou pas de certains trucs. Et avec un exemple très concret en ce moment : l’élection présidentielle.
– Est-ce que je vais voter ? et si oui pour qui ?
– Bah, bordel à couilles de nonnes, J’en sais foutre rien aujourd’hui !
On va dire qu’en gros j’ai 2 candidats qui sont ceux pour qui il est le plus probable que je vote (la plupart des autres étant quasiment exclus, à moins d’envisager des stratégies aussi cyniques qu’hasardeuses), mais il n’est pas encore certain non plus que je vote. Donc en gros 3 options possibles.
Au final, je sais que je prendrais une décision, mais il est très possible que ça se fasse au dernier moment. Contrairement au monde quantique évidemment c’est pas du « vrai » hasard, plus de l’incertitude (ma décision dépendra de la somme des paramètres au moment de la décision : ce qui aura été dit et fait, par les candidats, par moi, ce que j’aurai mangé le matin, etc…). N’empêche qu’en attendant la mesure (le jour du vote) je reste dans un état de superposition, d’indétermination, et tout aussi favorable à l’une ou l’autre des options.
décohérence et réduction du paquet d’onde
Il est possible que d’ici là je sois réduit à un seul choix si l’environnement évolue (par exemple si l’un ou les deux candidats potentiels se rendent clairement impropre à un vote, ce qui est assez possible), mais là aussi ça me semble tenir à peu près la comparaison quantique : on aura affaire à de la décohérence par interaction avec l’environnement.
Et sinon le jour du vote, le résultat s’imposera à moi. C’est déjà arrivé, aux dernières régionales, les choix au second tour était tellement mauvais que j’étais parti de chez moi pour le bureau de vote sans savoir encore quel bulletin je glisserais dans l’urne (spoiler : aucun).
Voilà, c’est ma façon d’essayer de ramener l’indétermination quantique à un truc sensible : quand y’a pas de bonne solution à un problème, on peut se trouver dans un état superposé entre les différentes options possibles, même si elles semblent normalement impossible à cumuler. Et seul une circonstance t’obligeant à prendre une décision et à faire ton choix va permettre de trancher pour une des options et d’éliminer les autres : bim réduction du paquet d’onde !
Note importante: je ne prétends pas du tout ici que mon cerveau fonctionne de façon quantique. A ma connaissance c'est même complètement exclu, la superposition d'état demandant des conditions particulière (vide, température proche du 0 absolue) qui ne sont fort heureusement pas réunies dans mon cerveau. Non l'idée est que mon indécision (due à une absence de connaissance de tous les paramètre qui influeront sur ma décision à l'instant T) me permet de me faire une représentation compréhensible de ce que peut être le fonctionnement quantique de la matière.
Hasard, déterminisme et interprétation.
Bon l’indétermination quantique et la réduction du paquet d’onde c’est chelou, c’est rigolo mais bon perso le truc que je trouve ptet encore plus fou fou c’est le hasard quantique.
Hasard et épicurisme
Il semble en effet qu’il existe en physique quantique un « vrai » hasard, c’est-à-dire un hasard qui n’est pas une somme d’ignorance, même en connaissant tous les paramètres d’entrée on peut pas prédire le résultat d’une expérience autrement que par une probabilité. Un hasard sans variable locale cachée.
Du coup si on réfléchit à une interprétation de la physique quantique, ça pose immédiatement la question du déterminisme, est ce que ca veut dire que notre monde n’est pas déterministe ? Est-ce que du coup on doit finalement donner raison à la vision d’épicure sur celle des stoïciens ? (Evidemment ces physiques n’ont pas été faites pour répondre à des questions physiques mais pour servir d’exercices mentaux et de guides de vie, m’enfin c’est rigolo quand même).
Déterminisme stoïcien
Evidemment même si les expériences de physique quantiques ont pu pousser très loin et même repousser la limite de la métaphysique, il y a toujours (et tant mieux) une limite à la physique qui permet d’avoir plusieurs interprétations métaphysiques possibles.
On peut donc imaginer la réponse d’un stoicien, qui répondra sans doute que le monde est déterministe malgré tout et que le pneuma est une variable cachée non locale.
pour revenir au livre
Bref les différentes interprétations possibles de la physique quantique sont vraiment rigolote, et pour revenir au livre, c’est un peu sa faiblesse finale. Dans le dernier chapitre qui est consacré à cette question de l’interprétation, l’auteur nous nomme les interprétations possibles (thèse du réel voilé, solipsisme convivial, réalisme physique, réalisme ouvert, opérationnalisme, phénoménalisme, idéalisme radical et idéalisme modéré) mais ne les décris pas du tout, ne serait-ce qu’en une phrase. 🙁
Perso je suis resté sur ma faim, j’aurai vraiment aimé un petit topo rapide sur les différentes visions possibles : pour le plaisir pur de la stimulation intellectuelle d’envisager différentes réalité possibles. Et évidemment… sans jamais vraiment trancher entre les différentes interprétations possibles pour rester dans un état d’indetermination, un état superposé.