[Politique 101] C’est quoi la gauche ?

[Politique 101] C’est quoi la gauche ?

Les élections approchent et du coup on se prend comme d’hab la caravane du cirque politico-médiatique en pleine tronche. Là dedans y’a un truc qui revient souvent: le clivage droite-gauche, est ce qu’il existe ? est ce qu’il à un sens ? est-ce que la gauche est de gauche ? est ce qu’il faudrait pas le dépasser au profit d’un « progressisme » ? ou d’un « citoyennisme » ?

Ok bon, c’est gentil tout ça, mais ce qu’on nous explique vachement moins, c’est: « c’est quoi la gauche » ? Ca doit paraître évident pour tout le monde, mais moi, qui vient plutôt d’un milieu de droite, on m’a jamais trop expliqué. Bon globalement j’avais plus ou moins compris que c’était des branleurs en sarouels qui jouaient du djembé en buvant de la 8.6 et qui allaient pas trop à la messe, mais c’est pas une définition qui permet d’avancer beaucoup.

Non parce que si on veut le dépasser le clivage, faudrait déjà le comprendre.

Le test

Du coup ce qui serait bien ça serait d’avoir une sorte de test pour savoir si on est de gauche ou pas ? (y’a bien un test pour savoir si on est anarchiste, alors pourquoi pas).

J’ai appelé ça le test du docteur bruno:

Euh, non c’est pas ça en fait, le test d’Elise Lucet:

Donc pour le test il nous faut simplement jeter un oeil à la liste des 10 derniers numéro de "Cash Investigation".

Cash Sujet
« Marchés publics : le grand dérapage » L’industrie fait de la merde quand elle travaille pour les marchés publics
« Industrie agro-alimentaire : business contre santé » L’industrie agro-alimentaire fait de la merde
« Dopage : ça roule toujours » L’industrie du sport fait de la merde
« Climat : le grand bluff des multinationales » L’industrie fait de la merde avec l’environnement
« Paradis fiscaux : le casse du siècle » L’industrie bancaire fait vraiment de la merde
« Salariés à prix cassés : le grand scandale » L’industrie fait de la merde avec l’Europe
« Produits chimiques, nos enfants en danger » L’industrie chimique fait de la merde
« Marketing : les stratégies secrètes » L’industrie fait de la merde pour nous vendre ses merdes
« Le business de la peur » L’industrie de la sécurité fait de la merde
« Santé : la loi du marché » L’industrie de la santé fait de la merde

A partir de là, le monde se divise en deux catégories:

Ceux qui on vu un pattern Ceux pour qui y’a aucun lien
Chaque fois que les humains s’organisent au sein de grandes structures (entreprises) dont le but principal, voir unique en fait, est de rapporter le plus de thunes possible à ceux qui les possèdent (capitaliste), bah globalement ça fait de la merde au niveau social (santé, bien être, tout ça) et au niveau environnemental (niquer la planète, les animaux, et notre capacité à survivre à long terme) Non, bah c’est juste des individus qui ont fait de la merde, à un niveau donné dans leur industrie, on peut pas généraliser, y’a pas de problème au niveau du système dans son ensemble. C’est la faute d’un petit groupe d’individus, peut être qu’en les changeant par d’autres ça serait mieux, ou peut être que c’est dans la nature humaine et qu’on peut vraiment rien y faire.

Voilà, c’est tout simple, à gauche, la gauche, à droite, la droite. On notera d’ailleurs qu’on peut tout à fait considérer que Cash Investigation est neutre puisque l’émission ne fait qu’apporter des faits, mais pas un cadre de lecture (problème systémique ou problème d’individus).

Les gauches

Donc voilà, maintenant on sait ce qu’est la gauche, c’est un constat sur le système économique dans lequel on vit. A partir de là, il y a plein de façon différente de se positionner par rapport à ce constat initial (à noter que le positionnement « ni de droite, ni de gauche » qui revient à ne pas prendre position est par sa nature même une prise de position: le constat de la critique du capitalisme n’est pas partagé, donc c’est à droite, facile).

Révolutionnaire ou réformiste

Ca c’est le curseur qu’on nous montre généralement pour dire si on a une gauche vraiment de gauche, super à gauche, ou plutôt de droite. C’est la question du « ok pour le constat on fait quoi maintenant ? »

Gauche de droite (PS) Bah, franchement, on a bien regardé, y’a rien à faire. Du coup on va faire une politique de droite, se mettre bien et arroser les copains, YOLO!
Gauche réformiste (Front de Gauche, Gauche des écolos) Bon, bah il faut essayer de limiter les dégâts, par le rôle de régulateur que peut avoir l’état ou la société civile, et progressivement faire évoluer la société pour sortir peut être un jour du capitalisme
Gauche révolutionnaire (NPA, etc…) Faut sortir du capitalisme maintenant, si possible en prenant le palais d’hiver, ou alors avec des fourches et des piques, enfin un truc classe quoi (bah oui « lutte des classes » c’était marqué)
La lutte c’est classe

Le seul clivage pertinent ?

Une autre question qui se pose, c’est de savoir si le capitalisme est le seul problème, et si c’est le problème principal qu’on ai ? Parce qu’il y a d’autres types de dominations dans la société, et celles ci peuvent être aussi importante:

  • Domination de l’état: S’affranchir du système capitaliste, c’est bien, mais quelque part l’état aussi est une grande structure oppressive, et reconstruire la société sans anéantir l’état, c’est construire une nouvelle forme de domination potentiellement tout aussi oppressive, voir pire. Il ne suffit pas d’être anti-capitaliste, il faut aussi être anti-autoritaire ! (mesdames, messieurs, la fin de la première internationale 1872, communistes vs anarchistes).
  • Domination du patriarcat: Euh les gars, c’est gentil vos conneries, mais tant qu’on parle émancipation, vous avez pas un peu oublié 50% de la population ? Le système de domination patriarcale est un des plus établis (et probablement plus ancien), ce blog explique ça mieux que je pourrais le faire. (vas y clic, tu verras c’est cool, y’a une bédé et ça parle de matrix)
  • Domination raciste: Bon pareil, ça devrait être évident, sortir des dominations racistes qui sont peut être même un sous produit de la domination capitaliste « Une des fonctions du racisme c’est de compenser l’universalisme latent du libéralisme bourgeois: puisque tous les hommes ont les mêmes droits, on fera de l’Algérien un sous homme » (lire Sartre sur le système colonial)
  • Importance de l’environnement: Si la plupart des critiques moderne du capitalisme y incluent les dégâts engendrés sur l’environnement, ça n’a pas toujours été le cas, c’est oublier une part importante des dégâts et potentiellement arriver à des solutions difficilement viable à moyen/long terme.
  • Domination religieuse: Si il semble légitime à tout le monde que chacun puisse avoir sa spiritualité, on peut remettre en question la légitimité des religions comme outil de pouvoir et de domination, souvent d’ailleurs utilisés pour renforcer et justifier les autres dominations établies.
  • Domination hétéro: Est ce normal que l’orientation sexuelle, une construction culturelle somme toute, récente, détermine tes droits.
  • etc…

Quelques écueils

La façon de se positionner vis à vis de ces autres types de dominations (et pour certains de les hiérarchiser) va aussi produire d’autres types de clivages au sein de la gauche. Et ça peut, selon moi, mener à plusieurs écueils. L’idéal étant bien évidemment l’anarchie qui vise la fin de toute forme de domination.

L’écueil productiviste

C’est un peu l’erreur des premières implémentations: imaginer que toutes les dominations viennent directement du capitalisme. On supprime le capitalisme mais on garde un état centralisé fort et on mise tout sur l’industrie lourde et la production de masse en s’en battant bien la race de l’environnement.

Bon le résultat le plus connu c’est la grosse dictature soviétique bien dégueu. Mais aujourd’hui, il y a toujours des acteurs politiques « de gauche » (le PC, Montebourg) qui n’ont pas vraiment renoncé à l’angle productiviste et pour qui les impacts environnementaux sont clairement secondaires face à la possibilité d’ouvrir des mines et des usines.

L’écueil progressiste

C’est l’écueil un peu inverse: après tout la domination capitaliste c’est pas si grave, ou alors on peut pas faire grand chose (gauche de droite). Du coup on va se centrer sur les autres types de dominations uniquement: pro-environnement, féministe, anti-raciste, mais sans remise en cause du système économique.

C’est oublier à quel point le capitalisme peut être central, et à quel point il agit pour renforcer (voire créer) les autres formes de dominations (check qui prend le plus cher économiquement et tu vas tomber sur ceux qui subissent aussi les autres formes de dominations).

Au passage puisque j’en ai fait mon illustration, un petit point sur Mr ni-de-droite-ni-de-gauche (donc de droite si on suit le test plus haut), allez donc mater cette vidéo sur le gars Macron:

L’écueil citoyenniste

C’est faire un focus sur le problème de la classe politique: si il y a des dérives du capitalisme c’est parce que l’état n’arrive pas à réguler correctement, et l’état n’arrive pas à réguler correctement parce qu’il n’est pas démocratique. Une classe politique corrompue a pris le contrôle et tant qu’elle sera aux mannettes on en sortira pas.

En soi c’est pas complètement faux, c’est même une partie importante du problème. Mais bon tu changes les gus au pouvoir, tu attends 10-20 ans et les nouveaux auront pris les mêmes mauvais réflexes.

Et puis surtout l’écueil citoyenniste, c’est de demander la démocratie partout … sauf en entreprise. C’est un paradoxe massif et un angle mort complet de nos sociétés: on veut soi disant de la démocratie partout (on va même faire la guerre à droite à gauche soit disant pour l’imposer tavu) mais on n’envisage l’entreprise que fortement hiérarchisée et soumise à la direction unique des propriétaires. En fait l’approche qui me parle le plus dans la critique du capitalisme est celle de Lordon: le capitalisme comme aliénation profondément anti-démocratique (Usul, en a fait un bon résumé).

L’écueil nationaliste

C’est l’analyse: le capitalisme c’est mal mais surtout parce que c’est mondialisé, si on rentre dans nos petites frontières tout va bien se passer. Oh celui là il nous pend au nez, face à une droite Filloniste qui veut supprimer tous les acquis sociaux en mode Blitzkrieg

Devinez qui va venir squatter les valeurs de gôôôôche et se poser en défenseur du modèle social Français ? vous sentez pas cette petite odeur de merde caractéristique ?

Et oui une partie de l’extrême droite fleurte avec le discours de gauche, et partage en partie (ou feint de partager) l’analyse marxiste. On pense bien sûr à l’immonde Soral, ou à floflo Philippot. Mais ça n’a absolument rien de nouveau. NSDAP, National Socialisme, il y’avait une aile bien à gauche chez les nazis, incarnée notamment par Goebbels (là ou Goering représentait plutôt l’aile droite), et le squattage des thèmes sociaux était une stratégie explicite chez eux.

Le plus dingue, c’est qu’électoralement ça peut marcher, ca demande un effort collectif (nullité des autres oppositions à Fillon, ligne très droitière de Fillon, un bon support médiatique), mais c’est possible. Ça reste la grande ironie du FN, le truc que le père Le Pen a loupé c’est d’avoir voulu faire un parti National-Libéral alors que ce qui marche beaucoup mieux dans les urnes c’est le National-Socialisme. Putain qu’un ancien para qui éditait des chants nazi ait pas vu ça, déjà en soit, c’est drôle, mais qu’en plus il ait fallut que ce soit l’arrivée au FN d’un énarque homosexuel fils de profs, pur fruit de la « méritocratie républicaine » qui permette de pointer l’évidence, c’est juste magique.

Evidemment c’est ensuite pas tenable une minute une fois élu, et je pense que le FN tournerait encore plus vite le dos à ses promesses sociales que n’importe quel autre candidat pour au final ne garder que le pire du pire.

Bref…

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