Le Moine – Matthew G. Lewis

Le Moine – Matthew G. Lewis

Sortez vos grimoires, pentacles et chaudrons, petite review d’un bouquin terminé récemment, Le Moine de Matthew G. Lewis.

De quoi que ça cause ?

Bon le pitch en rapide: Ca se passe il y a quelques siècles dans la très Catholique Espagne, un moine vertueux et envoûtant, des jeunes filles innocentes et pures, de jeunes nobles courageux… et pour mettre un peu d’ambiance, le prince des ténèbres.

J’ai trouvé que la lecture du bouzin était pas super évidente, la langue est un peu vielle (ça a quand même plus de 200 ans) et j’ai eu un peu de mal à rentrer dedans. Surtout que ça démarre planplan et gentillet… Et puis en fait j’ai compris un peu plus loin que c’était un des intérêts du bouquin, ça joue beaucoup sur le côté un peu mièvre et dégoulinant de la narration pour accentuer, par mise en abîme, l’aspect fantastique des apparitions et interventions maléfiques.

En fait, à la lecture, chaque passage fantastique je l’ai vécu comme une libération, enfin ! les règles sont brisées , il se passe enfin quelque chose. Comme l’apparition du fantastique suit une gradation dans le livre, c’est de plus en plus agréable.

Ad Majorem Sathanae Gloriam

Je crois qu’au final, ce livre est une sorte d’ode sataniste. Car c’est bien au final le personnage principal, ou du moins le maître du jeu du livre. Et si j’imagine qu’on peut avoir une lecture « horreur » du livre (c’était peut être le cas à l’époque en tout cas), personnellement, j’ai très vite pris le parti du Malin, et j’étais bien content à chacun de ses succès.

Le diable du bouquin est pourtant pas nécessairement le plus fun. C’est un Antéchrist assez traditionnel: le méchant tentateur de la bible qui se nourrit des âmes des hommes et les tourmente dans un enfer éternel. Et j’imagine qu’à l’époque il était pas vraiment possible d’écrire les choses autrement sans finir au bûcher.

Et pourtant en creux pointe clairement deux autres aspects du personnage plus moderne: un satan parodique et un satan libérateur.

l’Antéchrist

L’auteur insiste plusieurs fois sur la superstition des personnages, et les effets néfastes que la superstition (et au delà de ça l’église) peut avoir. En ça, le récit en lui même est paradoxal puisque d’un côté il insiste sur le côté fantasmé (la superstition) et d’un autre il présente comme parfaitement établi tout un tas de fait fantastiques. Parfois dans la bouche de même personnages, qui vont d’un côté se plaindre de la superstition ridicule de leur contemporains avant de raconter une histoire de fantôme, qu’ils ont eux vécu « pour de vrai », sans laisser la moindre possibilité de doute ou de débat sur la réalité de l’apparition.

Mon interprétation est que l’auteur est en fait en train de se foutre de la gueule de ses contemporains qui liront le livre, le prendront au sérieux et décideront de le mettre à l’index.

Donc pour moi il y a dans le Moine un Antéchrist parodique, une private joke d’athée, destiné à effaroucher les crédules et à se libérer du carcan de la religion.

Satan

Un autre aspect qui apparaît pour moi en creux dans le bouquin est un satan libérateur, émancipateur et individualiste, proche de celui de la « church of satan ».

Plus les personnages du bouquin sont religieux, et plus ils sont montrés comme étant bouffés de l’intérieur par l’hypocrisie, une fausse vertu, et une collectivité (le monastère) qui les enferme physiquement et mentalement, les empêchant de s’émanciper et de s’épanouir. A l’inverse les personnages non religieux sont montrés comme plus libre, et plus heureux.

Une fois admis le point précédent, c’est à dire qu’il n’y a ni dieu, ni diable, le message est clair, le diable n’est en fait que l’impulsion de l’individualité, qui pousse les personnages à essayer de se libérer de la prison de l’église. Et plus les individus sont enfermés, plus ils ont camouflé leur individualité derrière une fausse vertu collective, plus la libération va être violente et dévastatrice.

Lucifer

Donc voilà, un bouquin intéressant même si la lecture a été un peu lourde au début, replacé dans son contexte et avec un peu d’analyse de la figure du diable, c’est plutôt balaise pour l’époque. Tout juste manquerait-il sans doute d’autres aspects du cornu, comme ses composantes païennes, mais j’imagine que c’était pas vraiment possible sans finir en raclette chez les diablotins.

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