Au temps des Vikings – Anders Winroth

Au temps des Vikings – Anders Winroth

Après 481-888, on reste sur le haut Moyen Âge, avec ce livre sur le « temps des vikings ». Un livre que j’avais vu plusieurs fois en recommandation et qui est effectivement pas mal, même si je n’ai pas été subjugué. 

Ahh! Ahh!
We come from the land of the ice and snow
From the midnight sun where the hot springs flow
The hammer of the gods
Will drive our ships to new lands
To fight the horde, sing and cry
Valhalla, I am coming

Led Zeppelin

[ToC]

Une belle synthèse

Donc globalement, pour moi, c’est un bon livre. Il se lit très bien et fait une bonne synthèse de la période. Soit en gros du 8ème siècle à un peu après l’an mille, avec un centrage sur la Scandinavie mais aussi bien au-delà puisque la nature même du phénomène viking implique le voyage.

J’ai aussi bien aimé que le livre prenne un point de vue global sur les sociétés nordiques de l’époque. Il évoque donc évidemment l’activité de « Vikingr » c’est-à-dire le voyage, le raid, le pillage. Mais aussi le commerce, l’organisation de la ferme, la vie politique et sociale, la religion et les arts dans les sociétés nordiques de l’époque.

Relancer l’économie en cramant des monastères

On y apprend des pas mal de trucs et c’est illustré d’exemples issus de l’archéologie ou de la recherche historique.

Un des trucs les plus cool que j’ai trouvé dans ce bouquin, c’est le rôle des Vikings pour rééquilibrer la balance commerciale de l’Europe. A l’époque, en Europe, une grande partie de l’or et de l’argent était « bloqués » dans les monastères et les églises : reliquaires, trésors et objets du cultes. Et de fait, ils ne pouvaient pas servir au commerce.

En pillant les monastères et en fondant les trésors, les vikings ont rendus ces ressources de nouveaux « liquides », avec des effets positifs sur l’économie de toute l’Europe.

Cramer des monastères, ah voilà une bonne idée de plan de relance ! l’histoire a tant à nous apprendre !

Un peu trop laudateur

Le principal reproche que j’aurais à faire au livre est d’être parfois un peu trop « myth-buster » et laudateur. Je m’explique…

Il y a une volonté assez claire du bouquin, je crois, de casser le « mythe viking ». Par « Mythe Viking » j’entends la vision héritée du XIXème siècle du barbare sanguinaire à casque à corne. Bon ce n’est pas forcément un problème en soi. Mais disons que quand on sait déjà en attaquant le bouquin que les vikings ne sont pas des clichés, bah certains passages sont un peu trop insistants.

Du coup à certain moment, ça m’a un peu sorti du bouquin. Et j’ai même trouvé que ça tournait presque à l’apologie du viking. Notamment le chapitre sur « l’émigration » qui présente un peu les vikings comme des entrepreneurs dans l’âme, plein d’esprit d’initiatives, d’ouverture d’esprit et très ouvert aux autres cultures. Ok pourquoi pas, m’enfin bon… y’a vraiment des sources qui permettent d’aller aussi loin dans l’analyse de la psychologie viking ? meh ?

Le problème des sources 

Oui parce qu’un des problème évident de l’étude de cette période, est la faiblesse des sources écrites. Surtout pour les peuples nordiques qui ont laissé très peu d’écrits directs (pierres runiques principalement).

Ce qu’on connait de ces peuples vient donc essentiellement de sources indirectes : écrits des peuples chrétiens de l’époque ou des époques postérieures. Il y aurait selon l’auteur également des morceaux de poésie scaldiques, intégrés directement dans des textes postérieurs, mais qui n’aurait pas été modifié.

Pour rajouter un peu de complexité, à priori la poésie scaldique (donc l’essentiel de ce qu’il reste) est très difficile à interpréter correctement avec des métaphores permanentes et des tournures de phrases complétement pété de la tête. Autant dire qu’on ne sait en réalité pas grand-chose de bien certain sur cette période et ces peuples.

D’ailleurs, même si je crois l’auteur sur parole pour les interprétations qu’il donne des inscriptions et des poèmes. Je n’ai aucune idée de comment ils sont arrivés à savoir que cette interprétation-là était la bonne et que les autres non, alors que bon, c’est quand même toujours un peu tiré par les cheveux.

Il donne un exemple d’une pierre runique dont une interprétation trop rapide pourrait faire lire (en gros) « tirez vous vite fait, il y a des fantômes dangereux sous ce tertre » et dont l’interprétation réelle serait « sous ce tertre repose un chef bon et généreux ». Alors ok, hein, mais je n’ai pas trop saisie comment on est sur qu’on a trouvé la bonne signification du bouzin.

Evolutions de la société nordique autour de l’an mille

Du coup, voilà en gros ce que j’ai retenue du bouquin : une société de chefs indépendants qui a trouvé une aubaine dans ses bateaux et qui après un processus de concentration du pouvoir finira happé, rattrapé par le modèle de l’Europe médiéval.

Raid et commerce

L’essence même du phénomène de viking est lié à la navigation, à l’expédition maritime. Je ne vais pas revenir trop en détail là-dessus, c’est je pense déjà bien connu et expliqué en détail ailleurs.

Les vikings n’était pas des ubër-soldat, mais des marins. Une fois en mer, comme toujours, le marin se faisait commerçant, pirate ou pillard au grès des opportunités. Et la tactique des vikings repose avant tout sur la mobilité offerte par leurs bateaux, et leur manque de respect pour le « sacré » des chrétiens.

Je vous invite d’ailleurs fortement à regarder les épisodes de la chaine Sur Le Champ consacré au vikings.

Des chefs aux rois.

Ce qui m’intéressait plus dans ce livre c’est l’organisation de la société médiévale nordique.

Là aussi le pillage a un rôle fondamental. C’est par la distribution du butin que les chefs peuvent entretenir leur horde de guerriers et assurer leur allégeance. Ce qu’on retrouve d’ailleurs de façon assez similaire chez les Francs à la même époque, comme on l’a vu dans le livre précédent.

Et si le chef à la prééminence c’est par sa capacité à « arroser » ses séides de présents lors des banquets. Mais, primus inter pares, il demeure sur un certain pied d’égalité avec les autres hommes libres et chefs.

Cette situation évolue après l’An Mille, la concentration du pouvoir des chefs réduit le nombre de chef en augmentant leur puissance (dans un phénomène qui rappelle assez bien la concentration/consolidation de marché tel qu’on peut l’observer aujourd’hui). Peu à peu ils deviennent roi.

La différence fondamentale entre roi et chef étant que le roi a des serviteurs, et non des « obligés », et qu’en retour il est censé garantir une certaine sécurité et une unification du royaume (monnaie, usages, justice).

Au-delà de ce phénomène un peu « mécanique » d’accumulation et de concentration du pouvoir, il y a également un facteur culturel important. Le monde nordique lorgne sur l’Europe occidental franque, pas uniquement comme terre de pillage, mais aussi comme un modèle culturel.

Et l’adoption du christianisme a un rôle important dans cette transformation.  

Le Christianisme : conversion et bureaucratie.

L’arrivée du christianisme chez les peuples nordiques précède probablement les missionnaires officiels. Le paganisme est en effet assez poreux aux nouvelles divinités, et il est assez facile d’y intégrer un dieu de plus dans le panthéon, ou de parer certains dieux existant de caractéristiques piquées chez un dieu découvert chez le voisin.

Ceci explique aussi sans doute les parallèles entre ce qu’on sait des dieux nordiques et le dieu chrétien (comme le martyr de Baldr et celui de jesus). Si clairement une partie a été réécrite à postériori par des scribes chrétiens, il n’est pas impossible non plus qu’à l’époque les nordiques aient trouvé l’histoire du martyr et de la résurrection à l’apocalypse cool et qu’il l’ait ajouté à leurs histoires.

Mais ce qui change réellement avec l’arrivé des missionnaires chrétiens, c’est le concept de conversion : un changement de vie radical, et l’abandon des autres dieux pour donné l’exclusivité à un seul.

L’autre « apport » du christianisme, c’est son rôle comme justification du pouvoir royal. Le roi règne avec l’approbation de dieu, au sommet d’une pyramide hiérarchique. L’église et son clergé y trouve alors leur rôle comme agent de mise en place de la bureaucratie royale.

Bref un modèle qui devient très similaire à l’Europe occidentale de l’époque.

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