Ma Première #NuitDebout

Ma Première #NuitDebout

Bon, ça commence à dater un peu mais fallait que je le raconte quand même. Le 9 avril, ou 40 mars, avait lieu, place de la comédie, la première Nuit Debout de Montpellier. J’y suis allé, je vais essayer de te raconter comment c’était…

Première Nuit Debout à Montpellier

Alors donc, j’avais décidé d’aller faire un tour à la première Nuit Debout de Montpellier. Le rendez-vous était à 18h30 place de la comédie. J’arrive un peu à la bourre, il y a du monde sur la place, quelques tables ont été posées, des pancartes en cartons, des gens discutent. Progressivement ça se met en place, il y a une sono : « l’AG va bientôt commencer ».

Alors on commence à s’assoir par terre. Oui parce que, si tu sais pas, en fait nuit debout, c’est bien la nuit, mais c’est pas forcément « physiquement » debout (la blague a déjà était faites trop de fois). Donc le truc commence, on doit être quelques centaines sur la place, une bonne partie assis, quelques un debout, en cercle autour.

La première prise de parole me saoule un peu, lecture d’un communiqué : « la loi travail c’est pas bien machin machin, on veut le retrait, et de nouveaux droits ». Oui, c’est vrai, et fallait peut être le rappeler m’enfin même si on fait un peu tous semblant on n’est pas vraiment là pour ça hein.

Les principes

Heureusement le discours s’arrête très vite, et l’orga procède à une présentation des règles de l’assemblée générale. Oui parce qu’en fait y’a des règles, enfin au moins des principes. On est anarchistes, donc vu qu’il n’y a pas de chefs on a besoins de principes communs. Donc en gros :

  • Y’a un tour de parole, tu veux parler, tu t’inscris, et quand c’est ton tour tu parles, sinon tu écoutes. (et on a quelqu’un qui va noter les tours de paroles)
  • Si tu parles, c’est pas plus de 3 minutes, on a tous envie de rentrer chez nous au bout d’un moment.
  • Si tu proposes quelque chose, ou que tu votes pour quelque chose, ça veut dire que tu es prêt à y participer personnellement. Principe de responsabilité, pas de yakafokon.
  • Y’a un ordre du jour de défini grossièrement (on pourra y rajouter des trucs si tu veux), et on va traiter les sujets un par un en essayant de rester focus. Donc si tu parles, faut pas être trop hors sujet quand même.
  • Si tu écoutes, tu peux faire des gestes avec tes mains pour dire si t’es d’accord avec ce qui se dit, ou si tu trouves le gars qui parle relou parce qu’il répète des trucs déjà dit, dépasse son temps de parole, etc… Alors oui, au début tu vas te sentir un peu con de remuer les mains en l’air, mais tu verras c’est assez efficace, pas plus arbitraire que de les taper l’une contre l’autre quand tu applaudis, et ça à l’avantage de proposer plus de nuances et de pas faire trop de bruit pour qu’on puisse s’écouter.
  • Y’a une petite équipe de modérateurs qui va essayer de résumer les propositions faites sur chacun des sujets et les faire voter, avec en gros 60 – 75 % de oui pour qu’une proposition soit acceptée.
  • Et enfin, et c’est probablement le plus important, cette petite équipe d’orga de l’AG demande des volontaires pour la remplacer pour la prochaine AG pour pouvoir retourner dans la foule et éviter de former une équipe permanente de gentils gestionnaires, futurs despotes.

Voilà pour les grands principes. Les principales décisions de cette assemblée générale auront été de nommer des « commissions » sur de thèmes de travail. Oui parce qu’on ne va pas tout décider / discuter en assemblé générale (principe de subsidiarité mec), on peut former des sous-groupes qui seront responsables de thématiques précises. Ils discuteront les détails et présenterons leurs résultats à la prochaine AG.

Et concrètement…

Alors concrètement ça donne quoi ?
Bah déjà c’est pas tant le bronx que ça, les gens s’écoute et s’organise. Ça parait un peu con de dire ça, mais en fait on nous a tellement appris à croire que si t’as une parole libre, si t’as pas de chef, sans organisation formelle, ça va être le chaos, on va pousser des cris et s’envoyer des excréments au visage que forcément ça surprend toujours un peu au début.
Au niveau des interventions en AG, comme j’aime bien classifier les trucs, en gros je me souviens de trois types d’intervenants (évidemment c’est caricatural) :

  • Les militants : Ils sont sans doute impliqués depuis un moment dans des associations sur des sujets divers (logement, nucléaire, quartiers, etc…). Du coup ils viennent pour s’assurer que ces sujets feront partie des thèmes de la nuit debout. Y’a un côté un peu : « bah pour une fois qu’on a du monde qui nous écoute ». Généralement ils ont un discours construit et clair, mais presque trop (genre t’as l’impression de lire un tract). Ils proposent évidemment des solutions à des sujets particuliers, probablement pertinent, mais en même temps ça ressemble encore un peu trop à la politique chiante de d’habitude.
  • Les punks à chien : Plus ou moins bourrés / défoncés, y’a clairement un côté guignol. Après quand tu les écoutes parler, c’est parfois les plus cohérents. Des propositions concrète et immédiates d’action directe (transformer l’esplanade en potager et y faire des cours de jardinage, débrancher à la sauvage l’électricité des magasins qui laissent leurs enseignes allumé la nuit, créer des squats dans les locaux inoccupés…). Au départ quand ils arrivent en titubant tout le monde les regarde un peu en se disant : « bah voilà c’est pour ça qu’on ne donne pas la parole à tout le monde d’habitude ». Et quand ils commencent à proposer des trucs on se dit « et mais ouai en fait c’est pas complètement con, ni impossible ». Bon et puis évidemment à la fin t’es des fois un peu obligé de leur reprendre le micro parce qu’ils commencent à chanter des chansons paillardes.
  • Les petits vieux radicalisés: « Ouai les jeunes, c’est bien ce que vous faites, faut en finir avec le capitalisme, faut tout cramer, faut prendre en otage le préfet et faire caca par terrrrrre ». Je caricature un peu, mais j’ai quand même eu l’impression que les interventions les plus What The Fuck, les plus YaKaFoKon, ça venait plus des petits papis et mamies que des punks à chiens. Note: je vais pas tarder à probablement me retrouver dans cette catégorie

Voilà bon cette assemblée générale a duré une petite heure et demi, ça parait long comme ça, mais franchement j’ai pas trouvé ça interminable. Le principale résultat a été de définir les commissions / groupes de travails pour approfondir les propositions faites en AG et voire en quoi c’est faisable. Et là en gros il y’a deux types de groupes qui émergent, ceux avec une visée concrète immédiate et ceux qui sont plus des groupes de dialogue thématiques:

  • Commission organisation de l’AG : chargée de mettre en place la prochaine AG et de la logistique
  • Commission communication : chargée de mettre en place un site web, des affiches, etc…
  • Commission action : chargée de préparer des actions directe, manifs, blocages, etc…
  • Commission convergence des luttes : chargée de faire la jonction avec d’autres gens pas content mais qui sont pas venus.
  • Commission artistique : chargée de, euh, de faire de l’art quoi.
  • Commission logement : chargée de discuter logement
  • Commission écologie : chargée de discuter écologie
  • Commission citoyenneté / démocratie participative : chargée de discuter sur comment on devrait discuter.

Une soirée sur la place commune

Une fois l’assemblée générale clôturée, j’ai eu un peu l’impression que tout le monde allez rentrer chez soi… et puis en fait, heureusement non.

C’est là que la vraie nuit debout commence quelque part. On se répartit en petits groupes thématiques (les commissions) pour discuter concrètement des sujets et voir comment les réaliser. Tu choisis où tu vas en fonction de tes affinités et de tes compétences (du coup j’ai été faire un tour dans la commission communication parce qu’il parait que j’ai quelques notions dans les technologies de l’information et de la communication).

Niveau démographie, les participants à la NuitDebout sont quand même, à vue de nez, assez bien mélanger. Y’a des jeunes, mais pas que (et plutôt étudiants que lycéens), des moins jeunes, des même carrément vieux (comme la petite mamie qui a apporté sa chaise pliante), y’a des hommes et des femmes, un peu tous les styles. Alors ouai c’est pas parfait hein. Probablement que y’a plus de mecs que de filles, et surtout qu’ils prennent plus la parole, plus longtemps et avec plus d’assurance, non on n’a pas renversé le patriarcat en une nuit. Probablement que y’a pas vraiment des masses d’habitant des banlieues ou de représentant du monde rural. M’enfin grosso merdo quand tu regardes la foule c’est déjà vachement plus représentatif de la population que, bah tiens par exemple l’assemblée nationale ou le sénat qui sont censé la représenter.

Le truc cool aussi c’est que même si il y a sans doute dans les participants des gens qui font ou ont fait partis d’organisations politiques ou syndicales, le mouvement se veut détacher de ces organisations. Le seul drapeau qui flottera sur la place ce soir sera un drapeau pirate (donc forcément je me sens chez moi).

ND2

Alors en faisant un petit tour sur la place, il y a les commissions qui travaillent, assis en cercle par terre. Il y a des gens qui sont juste là pour discuter et boire un verre entre potes, ambiance apéro en plein air. Il y a des mecs qui jouent de la musique, d’ailleurs y’a un gars qui a ramené un piano sur la place ? wait what ? Putain le gars a ramené un putain de piano à queue sur la place. OK !

Bref, une bonne ambiance. Je suis pas resté bien tard (parti vers 23h), ouai Nuit Debout c’est pas forcément toute la nuit hein, demain je passe la journée avec les gosses, faut que je sois frais.

D’ailleurs même si c’était cool, je ferais clairement pas ça tous les soirs, mais j’essaierai d’y revenir ouai. Et toi ? y’a des nuits debout un peu partout maintenant, à Paris bien sûr, mais aussi dans toutes les grandes villes de France, même à Nice, et un peu à l’étranger aussi, il parait que y’en a une à Montréal depuis quelques jours.

Clic sur la carte pour la version interactive.
Clic sur la carte pour la version interactive.

Mais alors tu vas me dire (ou pas), pourquoi on fait ça ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi comme ça ? Et c’est bien gentil mais ça mène à quoi tout ça ? Est ce qu’on va obtenir le retrait de la loi en question ? Est-ce que c’est important ? Est ce qu’on va faire la révolution ? Est-ce qu’on va changer le monde ?

Bah je raconterai ça, un peu plus tard, c’est pour ça que j’ai fait un blog aussi t’as vu.

3 réactions au sujet de « Ma Première #NuitDebout »

  1. ça donne le gout de « sortir son petit pliant »et d’aller partager de l’espérance, pour voir bouger plus humainement les choses.

  2. Intéressant ce point de vue de l’intérieur bien écrit et traité avec humour, ça donne envie de lire d’autres articles et d’aller s’asseoir à une nuit debout !

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