Sous la Forêt – Francis Martin

Sous la Forêt – Francis Martin

Encore un livre qui fut une lecture rapide de vacances. Cette fois ci, ça parle de champignons, d’humus et de forêt et je me n’attendais vraiment pas à tomber ce livre aussi rapidement. Au final un livre qui m’a appris plein de trucs et que j’ai lu avec grand plaisir.

Comment se passionner pour les champignons ?

Le livre présente 15 balades en forêt et pour chacune une histoire de champignons, d’arbres et des liens complexes qu’ils nouent.

C’est écrit par un chercheur, spécialiste du domaine, mais qui a un certain talent pour expliquer et rendre vivant son récit. Au final on le sent passionné par son sujet, et comme souvent avec les gens passionnés, ils sont passionnants.

Je me suis vraiment un peu surpris à me passionner pour les champignons en lisant ce livre.

C’est vrai que certains ont des atouts naturels : on sent d’ailleurs bien que quand il parle de la truffe, du cèpe de Bordeaux ou des girolles que ça doit être des objets d’études plutôt agréable (bizarrement l’auteur donne aussi la même impression quand il parle des psylo…). Mais au-delà de ces « stars » il y a un plaisir aristotélicien à collectionner du savoir sur ces êtres étranges. 

Entre animaux et végétaux, une troisième voix

C’est vrai que les champis sont cheloux quand même, par leur côté immobile ils ressemblent pour nous un peu aux plantes et pourtant clairement ce n’est pas des plantes, mais c’est quoi alors ?

Revenir à l’énergie

En fait comme pour les animaux et les plantes, pour bien comprendre il faut revenir à la façon dont ils récupèrent de l’énergie. Et là aussi, comme on l’avait vu précédemment (cf Eloge de la Plante de Francis Hallé) c’est cette façon de récupérer de l’énergie qui va un peu tout conditionner.

Si les plantes fonctionnent à l’énergie solaire (par la photosynthèse), les animaux et les champignons récupèrent eux leur énergie en mangeant d’autres êtres vivants (à commencer par les plantes).

Ensuite ce qui distingue l’animal du champignon, c’est que l’animal fonctionne autour du concept d’ingestion des aliments (manger, digérer, caguer) alors que le champignon bouffe par absorption : ils se nourrissent par absorption direct des nutriments à partir du milieu extérieur et non par ingestion (le processus de digestion se fait à l’extérieur).

Pour Sylvebarbe, vous êtes un bolet

Puisque nous sommes comme eux des consommateurs d’êtres vivants incapable de photosynthèse, nous sommes, quelque part dans l’arbre phylogénétique, plus proche des champignons que des végétaux.

Du coup, je me suis dit (cette partie n’est pas dans le livre) : comme nous avons pendant longtemps confondu les végétaux et les champignons parce qu’ils ne bougeaient pas, j’imagine que du point de vue des végétaux il est probable qu’ils fassent aussi la confusion.

Du point de vue d’un ficus, peut être qu’une belette et une vesse de loup sont vu comme des trucs « plutôt semblable » qui se nourrissent tous deux d’autres êtres vivant.

Maximiser la surface d’échange

Si on reprend le postulat que c’est bien la façon de collecter de l’énergie qui détermine la forme que prennent les organismes ça explique aussi plutôt pas trop mal la forme des champignons.

En effet, vu qu’ils bouffent par contact direct avec leur nourriture, il leur faut maximiser leur surface de contact. Du coup plutôt que d’opter pour une stratégie « mobile » comme les animaux, il est assez logique d’essayer de faire une fine couche de cellule en contact direct avec la bouffe.

Quant à la forme que nous connaissons et associons le plus naturellement avec le champignon (le truc avec un pied et un chapeau) il ne s’agit en fait que de la partie reproductrice de certains champignons, destiné à disperser des spores autour d’eux. En réalité les champignons dont nous dégustons le zob avec délice se trouve sous terre sous la forme de milliers de filaments de mycélium au contact des racines des arbres.

Parasites, charognard et symbiotes

Si les champignons se nourrissent d’autres êtres vivants sur lesquels ils se collent, on les imagine volontiers parasite ou charognard. En réalité toute une classe de champignon agit en symbiote avec les végétaux.

La symbiose arbre – champignon

Il se lie une relation mutuellement bénéfique entre champignons et plantes : ces dernières fournissent le produit de la photosynthèse sous la forme de sucre, et en échange les champignons les aident à récupérer des composés minéraux et organiques présents dans le sol et qu’elles n’auraient pu assimiler par elle-même.

Il semble que cette relation soit essentielle et qu’elle ait joué un rôle primordial dans le développement de la vie terrestre. D’ailleurs d’après l’auteur, ces relations de symbiose seraient le fruit d’une lente coévolution entre champignons et plantes, avec des liens fort et spécifiques entre espèces.

Les réseaux du mycélium

Plus fort encore, les champignons peuvent servir de liens entre végétaux, avec des réseaux qui relient plusieurs arbres entre eux. De là à penser qu’il y a échange et communication via ces réseaux il n’y a qu’un pas.

A priori d’après ce que j’ai compris du livre, c’est effectivement une possibilité, mais il ne faut clairement pas surestimer le niveau de ces échanges ou la complexité des communications. C’est aussi encore une question ouverte.

En tout cas il y a des cas amusants comme le ménage à trois entre champignon, arbre et orchidée. Celles-ci ayant bien peu de chance de réussir à prospérer en utilisant la photosynthèse sous le couvert des arbres (la canopée récupère 90% du rayonnement solaire), elles se sont alliées aux champignons. Le champignon choppe le sucre de l’arbre et le redistribue à l’orchidée. Balaise!

Au limites des définitions

On voit cependant avec cette exemple que la limite entre symbiose et parasitisme est ténue. Et d’ailleurs l’orchidée apparaît alors comme une plante partiellement parasite. Ce qui est plutôt cool car cela complexifie les perspectives simples présentée plus haut sur les sources d’énergies (qui ne sont qu’une généralisation).

Le rôle des champignons décomposeurs, charognards qui se nourrissent des vieux bois est aussi très intéressant. Ils recyclent une grande partie de la matière ce qui est plutôt cool. Le livre m’a d’ailleurs aussi appris que les ressources de charbons fossiles n’existent que parce que ces champignons n’avaient pas encore « trouvé » comment décomposer la lignine. Aujourd’hui aucune chance que les bout de bois aient le temps de sédimenter en charbon, les champis auront tout bouffé avant.

Toujours plus ouf, il semblerait que certains champignons puissent s’attaquer à des plastiques. Pas de quoi résoudre pour l’instant les problèmes de déchet que ceux-ci nous posent mais bon c’est cool quand même.

Un livre pour apprendre à regarder différemment

Au final, oui je crois que ce livre est un livre qui m’aura appris à regarder les champignons, les arbres et les forêts différemment. De la même façon que « Eloge de la plante » m’avait appris à regarder les plantes différemment.

C’est un livre qui fait réaliser que bien des choses échappe à notre vue lors d’une simple balade en forêt. C’est aussi un livre qui permet de changer de perspective, de réaliser qu’on est plus proche des champignons qu’on pensait.

Et enfin ça me fournira sans doute quelques bonnes inspirations pour les Terres de Grörst, où les gobelins sont de fins connaisseurs des champignons.  

Après Je ne vais pas pour autant devenir spécialiste du sujet, c’était juste une petite intrusion dans le monde déconcertant des champis. Il y aurait bien plus à apprendre, mais pour l’instant c’était cool et ce format de livre était vraiment top.

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