Pourquoi #NuitDebout

Pourquoi #NuitDebout

Alors on descend dans la rue, on fait des AG la nuit sur la place commune, on discute, on échange, on s’organise, ok cool. Mais au fond pourquoi on est là ?

La Loi

Alors bien sûr au départ de tout ça, y’a la fameuse « Loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » dite « loi El Khomeri » dite « loi Travail »

Bon mais pourquoi on n’est pas content ? Puisqu’on nous dit que c’est pour les libertés et les protections ?

Une bonne grosse tartine

Bon premier indice, quand le projet de loi a été présenté, la seule organisation a avoir applaudi c’est le MEDEF. MEDEF qu’on décrit souvent comme étant la représentation des patrons, mais qui en réalité ne représente qu’une minorité de « patrons », les gros vautours fils à papa du CAC40, pas les entrepreneurs et patrons de PMEs. Bon depuis, grâce au mouvement social, le gouvernement est revenu sur quelques-uns des trucs les plus abusés et du coup le MEDEF crie à la trahison, mais ça donne déjà une idée du point de départ.

Je vais pas faire une énième explication du projet de loi, tu peux jeter un coup d’œil la : loitravail.lol pour avoir le détail des mesures, ou la ou la pour avoir une analyse plus spectre large / histoire du mouvement.

« Ton gosse est mort? Retourne au taf, tu chialeras plus tard »

Je vais quand même prendre un petit exemple parce que c’est parlant. Dans le projet initial, y’avait une mesure qui visait à « ne plus garantir par la loi la durée de congés accordé à un salarié en cas de décès d’un proche (enfant, conjoint…) ».

Tu le sens le truc bien nécessaire pour sauver l’économie du pays, réduire le chômage et avancer ensemble dans une totale liberté de penser cosmique vers un nouvel âge réminiscent. Le problème de la France c’est toute ces feignasses de salariés qui partent en congés pour pleurer la mort de leurs gosses.

Je choisis cette mesure comme exemple, même si au final elle a été viré du projet de loi (à cause des « casseurs qui décrédibilisent le mouvement social »), mais ça donne quand même un petit aperçu de l’esprit dans lequel tout le truc a été écrit (et il en reste des saloperies dans le lot). Ah oui, d’ailleurs ça parle bien aussi pour le MEDEF qui trouve que le projet actuel va pas assez loin et veut revenir à la version initiale, puisqu’on vous dit que ce sont des gens charmants.

Le contexte

Bon ok elle pue un peu cette loi, mais comme je l’ai dit précédemment en fait c’est pas vraiment pour ça qu’on est là. Pour comprendre il va falloir s’intéresser un peu au contexte.

Bon pour faire court et brutal, ça fait un moment qu’on empile la merde sans trop se soucier du fait qu’au bout d’un moment, mécaniquement le truc va péter.

Monde de merde

Y’a évidemment un contexte économique qui tabasse sévère ceux qui bossent, et encore plus ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir accès à un emploi. Et pourquoi tout le monde trime comme des tarés au fait pourquoi au juste ?… hé mais merde, en fait je vais juste encore te copier-coller ça, tu sais très bien de quoi je parle :

La pub nous fait courir après des voitures et des fringues, on fait des boulots qu’on déteste pour se payer des merdes qui nous servent à rien ! La télévision nous a appris à croire qu’un jour on serait tous des millionnaires, des dieux du cinéma, ou des rockstars. Mais c’est faux ! Et nous apprenons lentement cette vérité. On en a vraiment, vraiment plein l’cul !

Pendant ce temps y’a l’immense majorité de la thune générée qui s’envole toujours en direction des même poches. Les mécanismes mis en place pour vaguement réguler le bouzin par l’impôt et la loi sont broken beyond repair. Que ce soit les multinationales qui mettent les états en concurrence pour trouver celui qui fera les tax deals les plus intéressants, les montages financiers délirants à base de paradis fiscaux qui permettent à tous ceux qui ont vraiment du pognon d’échapper à l’impôt, ou l’argent qui tourne en cercle fermé dans les transactions à très haute fréquence, c’est la fête du slip à tous les étages.

Histoire qu’on s’intéresse pas trop à ce flot continue de merde, on nous divise et nous apprend à nous méfier les uns des autres. C’est divide et impera, discriminations, racisme, xénophobie, bref là aussi tu connais.

Je te parle même pas des effets sur l’environnement, la nature, le climat tout ça… a part quelques abrutis de redneck qui ont toute confiance en leur ami imaginaire, tout le monde sait que globalement on est entrain de tout pourrir autour de nous et que notre viabilité à moyen terme en temps qu’espèce est pas vraiment garantie.

Les rois du cirque

Et au milieu de tout ce boxon y’a la classe politique, comme une poule qui aurait trouvé un putain de couteau mec. Nos politiques ils sont vieux, déconnectés des réalités, non représentatifs de la diversité de la population (à commencer par les femmes), englués dans les affaires jusqu’au cou, à toujours nous servir la même soupe indigeste.

Plus personne ne les croit quand ils parlent. Le cynisme est généralisé, la novlangue de plus en plus délirante, le marketing en roue libre. Un gouvernement « Socialiste » fait la loi du grand patronat, nous vend une loi qui facilite les licenciements comme étant bonne pour l’emploi, célèbre Leon Blum avant de t’expliquer qu’il « faut mettre le système éducatif au service de l’économie », célèbre Jean Jaurès le lundi pour le mardi tabasser et expulser des migrants qui s’étaient réfugiés dans un lycée désaffecté du même nom. On y est, c’est 1984.
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Le poulet décapité et les grenouilles bouillies

Alors tout ça on le sait tous depuis belle lurette, et je pense qu’au fond si on s’en accommode jusqu’à aujourd’hui c’est un peu un mélange de deux trucs :

  • D’un côté on regarde ca de loin en se disant qu’on est pas dupe, dans la position confortable du spectateur cynique du freak show. Il a la tête coupé, mais le poulet court toujours alors on le regarde, à moitié dégoûté, à moitié amusé, totalement fasciné par une telle avalanche de bullshit.
  • D’un autre côté, on sait aussi que pour changer les choses il va falloir faire un sacré bond. Insuffler un peu de sang neuf dans l’élite ne suffira probablement pas, on se retrouverait rapidement juste avec une nouvelle caste de petits chefs aussi corrompus et malfaisants que les anciens. Bref c’est pas forcément simple, rapide et indolore, alors perdu pour perdu… on est un peu comme la grenouille dans la marmite dont la température monte progressivement. Jusque là, ça va.

Pourquoi on bouge alors ?

Ça aurait pu bouger avant, ça aurait sans doute dû. Le traitement des réfugiés, l’état d’urgence permanent, le débat sur la déchéance de nationalité, les multiples affaires de corruption, les occasions de se bouger n’ont pas manqué ces derniers temps. Pourtant rien.

Et là tu touches vaguement aux conditions de travail et t’as des millions de personnes dans la rue. Et ouai c’est moche hein quelque part, mais apparemment c’est la nature humaine. T’as cru que les révolutions avait eu lieu pour de grands idéaux, liberté, égalité, tout ça… Nan les gens bougent quand ils ont faim.

Une analyse intéressante du phénomène a été faite ici :

Tl;dr: Si les gens se révoltent, c’est pas tant à cause des inégalités financières qu’à cause de la structure de pouvoir et des atteintes aux libertés individuelles inhérentes au salariat.

Pourquoi comme ça ?

Alors ça a commencé presque classiquement, les manifs, les étudiants dans la rue… bon et puis d’un coup y’a ce truc inattendu qui débarque: Nuit Debout.

Ca peut sembler bizarre que la réponse à une loi modifiant le code du travail soit une occupation de place et la mise en place d’assemblées locales fonctionnant en démocratie directe, horizontale, sans représentants ni porte-paroles, et sans autre revendication que celle de pouvoir occuper la place et s’auto-organiser.

En fait c’est une réponse logique:

  • D’une part on peut dire que ce qui pose problème dans le travail salarié aujourd’hui c’est en bonne partie la structure autocratique du pouvoir en entreprise. Avec un taux de chômage comme on le connaît depuis des années autant dire que ta marge de négo en tant que salarié est pas forcément bien forte, ne serait ce que pour faire respecter les lois (plein d’exemples sur #OnVautMieuxQueCa).
  • Et d’autre part c’est une réponse cohérente au constat que le système politique actuel ne représente plus que lui même, ne bénéficie plus qu’à une infime minorité de guignols, et de toute façon n’as plus ni les moyens ni la volonté d’être un médiateur des différentes forces qui animent la société.

Alors l’idée c’est un peu: on les laisse faire leurs trucs dans leur coin, on ne leur accorde plus aucune légitimité et on s’organise par nous même, ça peut pas être bien pire. Secessio plebis !

"Vous savez quoi, changez rien, faites votre truc dans votre coin, nous on se barre"
« Vous savez quoi, changez rien, faites votre truc dans votre coin, nous on se barre »

Bon c’est cool tout ça, mais ça va nous mener ou, ça marchera jamais un truc pareil… ouai on en parle la prochaine fois si tu veux.

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