Anarchie en Macronie

Anarchie en Macronie

Allez ! On se lance pour un petit point d’analyse politique dans la France d’Emmanuel Macron. Qu’est ce qu’il nous fait le manu ?


Sa politique

Bon je vais évacuer rapidement la question de quel est son programme (ou son projééé osef). Car en fait c’est simplement la même chose que depuis minimum 15 ans, peut être en pire. Pure produit dogmatique du néo-libéralisme, il a l’air bien parti pour être le président des riches, et il assume. Ok.

Si tu veux piger l’orientation générale :

  • Austérité budgétaire pour assécher les services publics (ces salauds qui rendent des services sans créer de marché)
  • Diminution d’impôts pour les plus riches
  • Démantèlement du droit du travail pour que les pauvres bossent pour encore moins.

Tu peux lire des analyses plus détaillées chez Mediapart ou dans le Financial Times.

Macron accélère serait plus juste que change de cap

Le spectacle

Bon mais ça finalement c’est business as usual. Ce qui est intéressant avec Macron se situe (comme à peu près tout ce qui se passe aujourd’hui) au niveau du Spectacle.

Jupiter

Et là on peut dire qu’on est servi. Le personnage est posé, ce sera Jupiter. Rien que ça ma couille.

Moi quand j’ai entendu ça le truc que ça m’a direct évoqué c’est Dioclétien. J’en ai un peu parlé ici l’année dernière (toutélié). En bref c’est un Empereur Romain de la fin du 3ème siècle, début 4eme. Pour essayer de restaurer un peu de stabilité dans l’Empire (qui part grave en sucette) il mise tout sur un retour aux sources, des innovations institutionnelles qui sont plutôt conservatrices, appuyées par un conservatisme religieux (il se réclame de… Jupiter).

Jupiter debout à gauche tenant un foudre et un sceptre

Bon je doute que ça soit la référence que Macron souhaite avoir quand il parle de Jupiter. Celle que tout le monde voit c’est la référence à un Jupiter omnipotent, qui décide de tout, et la référence historique pour le coup, c’est plus Louis XIV.

Louis XIV vainqueur de la Fronde, par Charles Poerson

Conservatisme et absolutisme

Donc si on résume, les références c’est le retour à la tradition, le conservatisme et l’absolutisme. Et en fait, revenir dans le passé, ben c’est assez génial comme positionnement.

C’est en fait le positionnement précisément inverse à celui de ses prédécesseurs. Face à des institutions qui ne sont plus en accord avec l’époque, Sarko et Hollande avaient, chacun à sa manière tenter de les moderniser, ou au moins de moderniser la com, le spectacle. Ça donnait un hyper président qui s’agitait sur tous les dossiers et qui exposait sa vie privée d’un côté et de l’autre, bah pas beaucoup mieux en fait… le président « normale » s’est vite abîmé en président des petites phrases, des coups en douce, et des escapades incognito en scooter.

Résultat, après un mandat, ils ont atteint un niveau de détestation, de dégoût physique, généralisé. Ils avaient modernisé en partie la communication mais pas le fond. ils affrontaient en direct et de plein fouet l’inadéquation de la fonction à l’époque.

Le coup de génie, c’est plutôt que d’essayer de moderniser les institutions face au réel, Macron s’est métamorphosé post élection pour devenir la créature des institutions et revenir dans le passé. Il devient Jupiter, qui regarde de loin mais qui juge et dirige tout, et surtout qui ne communique que selon son bon vouloir et fixe le tempo, revoilà le Général et l’ORTF.

Les instruments

Au niveau de la mise en place, force est de constater que ça marche plutôt bien pour l’instant son approche conservatrice et autoritaire. En même temps tous les instruments étaient déjà prêts, y’avait qu’à se servir.

Les ordonnances

On peut pas vraiment le créditer d’en avoir eu l’idée, puisque c’est Fillon qui en parlait l’année dernière, la fameuse Blitzkrieg ! (L’auditoire de Fillon fait d’ailleurs une assez bonne démonstration de qui dicte vraiment cette politique).

Mais bon ça marche bien. Ca permet de prendre de court la contestation sociale pendant l’été et de capitaliser sur l’atonie générale qui suit les périodes d’élections. D’ailleurs j’ai l’impression que la séquence El Khomri a un peu plus décourager tout le monde, montrant que toute opposition dans la rue ou par le parlement était vaine.

Un parlement verrouillé

Là aussi relativement classique mais c’est bien ouej. Depuis l’alignement des calendriers électoraux (présidentielle et législative) on a toujours eu des parlements un peu fantoches, complètement soumis à l’exécutif.

Mais là ou le Macron a fait fort, c’est en créant ex-nihilo une nouvelle caste d’élu entièrement dévoué. Le choix des candidats a été bien fait, une cohorte d’ambitieux piochés dans les classes supérieures de la société (celles qui bénéficie globalement de la libéralisation de l’économie), plus quelques transfuges à droite et à gauche, toujours prêt à trahir pour un bon poste. Ils ont été élu en adoptant l’étiquette En Marche, et lui doivent tout. Ils seront donc aux ordres.

D’ailleurs pour assurer qu’ils soit aux ordres, une discipline de fer a déjà été mise en place.

Interdiction de collaborer avec les autres groupes parlementaires, mise au pas du parti par une direction très hiérarchique… bienvenue dans le renouveau de la politique. Pourtant c’est pas comme si ils risquaient quoi que ce soit à l’assemblé. Ils ont une majorité écrasante et la droite et le PS sont de toute façon entièrement d’accord sur la politique économique qu’ils entendent mener.

D’ailleurs le parlement et le débat contradictoire servent tellement à rien que Macron nous propose de réduire le nombre de députés. Logique.

Un bon plan com’

Enfin, au coeur du spectacle, la communication. On avait déjà pendant la campagne toute une partie de la presse béate devant Macron. Bon ça continue, potentiellement en pire. La base qui est de se reposer sur une presse majoritairement contrôlée par des grands groupes et des marchands d’armes, et dirigée par des éditorialistes libéraux convaincu marche toujours.

Macron y a adjoint sa posture Jupitérienne, en rendant la parole présidentielle rare, il la rend précieuse et transforme les journalistes en courtisans. C’est le « fuis moi je te suis ». Déjà il menace, En Marche va devenir son propre média !

Les bonnes nouvelles

Bon dans ce sandwich au caca il y’a quand même des points positifs.

Les contradictions libérales

Le positionnement de Macron, ouvertement libéral, est pétrit de contradictions. D’un côté il érige en loi d’airain la pré-éminence de l’économie sur la vie, le taux de profit des actionnaires avant tout. D’un autre il aime bien s’acoquiner à des valeurs « progressistes » qui font joli et font avaler la pilule: Droits humains, démocratie, écologie, progrès scientifiques, et pourquoi pas même féminisme et antiracisme.

Alors ça marche peut être bien pour se faire élire. Mais c’est intenable sur le moyen / long terme. En fait ça n’est possible que dans un monde de la « post truth » pour utiliser les termes à la mode (je dirais plutôt société du spectacle). Les jolies valeurs vont très vite devoir s’effacer devant la priorité du système économique et apparaître pour ce qu’elle sont… pure bullshit!

En effet, elles sont pour certaines, en contradiction directe avec le capitalisme libéral: la démocratie s’arrêtera toujours aux portes de l’entreprise, l’écologie va fermer sa gueule car exploiter la planète ça rapporte du cash, la recherche publique et l’éducation peuvent crever la gueule ouverte, les droits humains devront être « suspendus » pour traiter les méchants manifestants… Quand aux autres valeurs, les dominations se renforcent entre elle, le top 1% étant constitué majoritairement de vieux hommes blanc, tu vas attendre un moment avant qu’ils s’occupent du féminisme ou de l’antiracisme.

Que se passera il quand les gens qui ont rejoint la « marche », se rendront compte que ça ne marche qu’à moitié ? Bon une partie (celle qui aura profité du truc) va sans doute rapidement trahir ses valeurs. Mais les autres (ceux qui ont rendu le truc possible), risquent de l’avoir un peu mauvaise.

Vers une rupture ?

Et c’est là que les avantages que Macron a mis en place dans ces premiers mois risquent de se retourner contre lui. Il a rigidifié l’appareil d’état, se coupe volontairement du dialogue, mise tout sur la discipline et une com de propagande, tout en mettant en place une politique économique qui va accentuer toutes les souffrances.

Alors ça va tenir un moment, ils vont en bouffer de la brioche, bien protéger par les rangs serrés de CRS et tournant en circuit fermé entourés de journalistes courtisans, complètement déconnecté du réel. Mais pendant ce temps, la pression va monter, et vu que toutes les soupapes de sécurité ont été soigneusement bouchées… prenez une marmite…

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